Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/196

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et transforme les conflits en procès ; le caractère juridique chez qui, la sensibilité prédomine, et qui déteste toute querelle, même juridique.

Conclusion. — L’expérience donne un contenu à l’idée toute formelle qu’il y a des devoirs réciproques ; et elle nous apprend que les idées d’arbitrage, de garantie, d’incrimination, de peine, qui forment ce contenu, dépendent les unes des autres, et sont nécessaires, parce qu’elles s’appuient sur la solidarité naturelle ; que le droit est par suite la solidarité contre la guerre. Cette idée de solidarité réconcilie le droit avec la science et l’amour : 1° avec la science : l’idée qui se dégage de la science sociale est celle de solidarité ; et le droit n’est qu’un mode supérieur de la solidarité ; 2° avec l’amour : la solidarité a un double aspect ; elle entraîne avec la mutualité des risques et des avantages la réversibilité des fautes et des mérites ; on ne peut accepter l’un sans l’autre, et l’individualisme, par la concurrence, arrête la distribution solidaire des avantages, sans supprimer la distribution solidaire des maux ; bien au contraire. Le remède est dans l’effort de la solidarité contre le crime, dans la réduction au minimum de la réversibilité des fautes. Et cette solidarité juridique naît de la solidarité primitive des hommes dans la lutte contre la nature ; le progrès juridique dépend du progrès économique et scientifique, qu’il favorise à son tour. Ce progrès d’ailleurs est contingent, il suppose que le caractère ne résiste à une forme inférieure de la solidarité que pour se donner à une solidarité meilleure. Si des actions lentes peuvent seules consolider le droit, des actions brusques sont nécessaires pour le créer, des crises, déterminées par l’action d’une cause contingente, d’un arbitre individuel, dont l’inspiration est intérieure et vient de l’amour.

II


Cette analyse indique encore bien imparfaitement tout ce que contient ce livre. M. Richard donne son opinion — opinion souvent neuve et toujours intéressante — sur une foule de questions controversées de droit, d’anthropologie, d’économie politique, d’histoire, de psychologie. Nous citerons par exemple : une théorie du droit international (chap. i, v, vi, etc.) ; une réfutation des vues de Lombroso sur l’anthropologie criminelle (chap. v) ; un essai de justification de la rente foncière (chap. iii) ; une théorie de la guerre, considérée comme le vrai centre de l’histoire (chap. vi) et comme la condition fondamentale de la structure intime des sociétés (chap. xi) ; des lois historiques, telles que la loi du progrès inverse de la science et l’industrie (chap. ix) ; la loi de solidarité historique (chap. xi) ; une théorie du droit de punir (chap. vii), etc. Il faudrait un volume entier pour traiter toutes ces questions, et quelque intérêt qu’elles offrent, nous nous occuperons seulement ici des thèses générales de l’auteur sur les méthodes et les principes de la philosophie du droit. C’est d’abord une critique de la moderne métaphysique du droit et de l’individualisme qui, d’après M. Richard, s’y associe nécessairement ; c’est ensuite la conception personnelle de l’auteur, une tentative pour mettre la philosophie du droit en accord avec les exigences