Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette époque et qui, depuis, a prévalu à peu près dans tous les pays. Il protestait contre l’abus de la saignée, des médicaments, surlout contre l’habitude de tenir les malades hermétiquement enfermés dans un air bientôt vicié. Son livre avait pour titre la Certitude en médecine, et pour épigraphe ces vers de Voltaire :

Descends du haut du ciel, auguste Vérité ;
Répands sur mes écrits ta force et ta clarté.
Que l’oreille des rois s’accoutume à t’entendre ;
C’est à toi d’annoncer ce qu’ils doivent apprendre.

Les oreilles des médecins ses collègues ne s’accoutumèrent pas à entendre cet enseignement nouveau, qui avait valu à Alexandre Spir des cures remarquables et la clientèle des principales familles de Saint-Pétersbourg. Par leurs intrigues, l’ouvrage, qui avait été d’abord autorisé et qui avait paru en 1839, fut confisqué et interdit. Ce fut pour l’auteur une cruelle épreuve. Il tenta de faire revenir sur sa décision la censure, qui demeura inflexible ; il traduisit son livre en français et en envoya la traduction à M. Guizot, dont on devine la réponse administrative, et il mourut en 1852 sans avoir pu se faire reconnaître comme l’inventeur d’une doctrine qui, de son vivant même, s’était répandue un peu partout et que d’autres médecins, sans doute, avaient ailleurs découverte presque en même temps que lui. Son fils ne devait pas être plus heureux dans sa tentative d’établir à son tour ce qu’il aurait pu appeler « la certitude en philosophie ».

Alexandre Spir avait épousé la fille d’un peintre grec, la belle Héléna Poulevitch, et pour ceux que le problème de l’hérédité préoccupe à juste titre, c’est un fait à noter que ce mélange de sang grec dans les veines de notre philosophe. On me permettra de n’en rien conclure prématurément. Sur le peintre Poulevitch lui-même, je n’ai pu recueillir aucun renseignement positif. Il semble cependant qu’il ait joui en Russie d’une grande réputation, au moins officielle : le gouvernement lui avait en effet donné, non loin de lélizavetgrad, une vaste étendue de terres et un grand nombre de serfs pour les cultiver. Ses filles s’étaient partagé à sa mort ses propriétés, et, avec leurs maris et leurs enfants, elles formaient une sorte de colonie qui se suffisait à elle-même. Spir attribuait même, plus tard, à cette circonstance la répugnance qu’il avait toujours eue à se lier avec des étrangers et qui