Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/242

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Quelle est donc enfin cette loi dont la simple constatation éclaire toute la connaissance, sans laquelle nous serions condamnés à ne posséder que des données individuelles, réduits à l’impossibilité d’aboutir à aucune connaissance certaine qui les dépasse, et condamnés par conséquent au scepticisme de Hume ?

La loi de notre pensée s’exprime par le principe d’identité. Ce principe sur l’évidence duquel tous les philosophes, tous les hommes s’accordent, était cependant, semblait-il, resté jusqu’à présent stérile. Par une singulière anomalie, il était à la fois le plus vrai elle plus inutile ; on le conservait comme embaumé dans les traités de logique, sans s’être douté jamais qu’il était l’auteur secret de nos croyances, le véritable créateur du monde d’apparences où nous vivons comme dans un monde réel, mais aussi le seul guide assuré qui puisse nous mener au delà de ces apparences et nous faire atteindre la vraie nature des choses.

Examinons en effet ce principe. Sous sa forme positive, A est A, une chose est ce qu’elle est, il semble une pure tautologie ; il affirme, en réalité, que toute chose, par cela même qu’elle est identique avec elle-même, a une nature qui lui est vraiment propre. Sous sa forme négative, il devient le principe de contradiction : A n’est pas non-A, ou l’affirmation et la négation de la même chose ne peuvent pas être vraies en même temps. Sous cette forme, il est excellent pour la discipline du jugement, mais il apparaît, si l’on y regarde de près, comme un principe dérivé, il cesse d’être un principe à proprement parler, et sa formule découle de cette formule plus générale : Deux affirmations différentes qui se rapportent au même objet, au même point de vue, ne peuvent pas être vraies en même temps. La première formule exprimait le principe de la contradiction évidente ; la seconde exprime celui de la contradiction implicite ; mais celle-ci, à son tour, par cela même qu’elle contient encore la notion de temps, n’est pas la plus générale possible et elle est elle-même dérivée. On trouve alors comme l’expression la plus haute du principe de contradiction cette proposition : l’union inconditionnelle et immédiate du divers est impossible. Si nous traduisons ces trois formules successives en langage objectif, nous avons :

1° L’être et le non-être ne peuvent être unis en même temps dans le même objet ;

2° Deux qualités différentes de même espèce, le carré et le rond