Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/265

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mentaux. Débarrassons-nous un instant de cette substance qui ne nous est pas donnée et que nous ne connaissons pas et ne considérons que ce qui nous est donné, à savoir nos états de conscience particuliers. Du même coup nous ne ferons plus intervenir dans le débat les déformations que nous leur imposons en leur reconnaissant des relations : en tant qu’eux-mêmes, ils existent et c’est tout. En effet, pour que le caractère relatif soit attribué à un état de conscience A, il faut que ce soit un second état de conscience qui constitue cette affirmation. Je veux dire qu’un état de conscience considéré en tant qu’état de conscience ne comporte aucune relation à quoi que ce soit, si ce n’est à lui-même. S’il nous apparaît ensuite comme relatif, cette apparition de relativité est un autre état de conscience B qui a déjà succédé au premier et par rapport auquel le premier est déjà devenu un objet, c’est-à-dire n’est plus lui-même, n’est plus ce qu’il était originairement. Et ce qui est jugé alors relatif, ce n’est pas A, car A étant un objet pour B n’est pas perçu en B, mais un élément qui fait partie de B et qui est sa création[1], car l’état conscient B ne peut connaître que lui-même. Mais cet état B lui-même, en tant qu’affirmation de la relativité du soi-disant A, n’est pas un état relatif ; car cette affirmation comme telle est absolue : il ne devient relatif que s’il est remarqué, c’est-à-dire si à son tour il devient objet pour un autre état de conscience C purement sujet à son tour, au premier et insaisissable moment de son existence. Et il en est ainsi pour tous les états de conscience. Dès qu’ils sont connus (nous distinguons si complètement la connaissance de la conscience que ces deux termes sont pour nous incompatibles), ils ne sont plus ce qu’ils étaient. Nous (quel que soit ce : nous) ne pouvons donc jamais savoir ce qu’ils sont. Et c’est précisément pourquoi nous devons les considérer comme choses en soi, puisqu’ils ont pour caractère de ne jamais pouvoir être « en nous » ni en quoi que ce soit d’autre qu’eux-mêmes. C’est là le caractère, le seul saisissable pour nous, de la conscience.

Il est vrai que M. Renouvier rejette catégoriquement la substance, aussi bien la substance-esprit que la substance-atome. Mais sans examiner pour le moment ce qui, dans sa théorie, remplace la substance bannie, nous ferons remarquer que son affirmation de la

  1. Création qu’il faut comprendre comme un simple résultat de l’harmonie si, avec M. Renouvier, on repousse l’illusion de la causalité transitive — harmonie dont l’un des termes a été A et l’autre B.