Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/275

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connaissant se nie lui-même, que tout acte de connaissance proprement dite est un acte par lequel et dans lequel la pensée elle-même, c’est-à-dire le sujet, se contredit. La conscience de la connaissance, par le fait même qu’elle saisit la contradiction de la connaissance proprement dite ou spontanée, anéantit cette contradiction, puisqu’elle la voit comme contradiction. Et c’est précisément elle qui nous permet d’échapper au scepticisme (absolu, celui-là), en détruisant la contradiction de la pensée connaissante au moment même et par le fait même qu’elle la révèle. Notre thèse est la simple transcription de la donnée de la conscience : comme celle-ci, elle nous dit de ne voir, dans la position d’un objet autre que lui, qu’une création du sujet même, de croire qu’en saisissant ce prétendu objet, le sujet n’a saisi rien d’extérieur, rien d’indépendant de lui-même. Ainsi que nous l’avons fait entendre plus haut, cette thèse se borne à signaler une erreur de même genre, que celle que les philosophes ont relevée dans ce qu’on appelle la « perception externe ». On admet universellement aujourd’hui que lorsque nous disons : « Je perçois cette maison », ce que nous percevions réellement, c’était la représentation d’une maison. De même, quel que soit l’objet interne que le moi croie et dise saisir, percevoir, sentir, en réalité l’état de conscience qui constitue l’affirmation moi saisit alors sa représentation d’un précédent état de conscience qui est et reste extérieur à lui dans sa réalité intime et ne se trouve en lui que transformé en représentation, c’est-à-dire sous la forme subjective.

Ainsi le moi ne connaît pas ce qu’on appelle l’esprit ou la série des manifestés internes, ni un manifesté particulier quelconque : il ne connaît que ses représentations. Nous ne nous connaissons pas, si l’on entend par le second nous autre chose que le moi au moment strictement actuel et si l’on entend par connaître une connaissance objective. Il y a donc deux idéalismes qui s’imposent : l’idéalisme que l’on pourrait dénommer externe pour faire entendre qu’il concerne le monde extérieur, et l’idéalisme que nous proposons d’appeler interne pour faire entendre qu’il concerne le monde intérieur. Le second est la raison profonde du premier.

II
du caractère général de la connaissance objective

La connaissance, le savoir, comme tels, sont dans leur principe,