Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/399

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Y a-t-il quelque contradiction à soutenir que le mouvement résulte de positions différentes occupées en des instants différents ? Le mobile était en a, le voici en b, puis en c, puis en d, et ainsi de suite ; à l’exclusion de b, les termes b, c, d, qui sont des unités de longueur, appartiennent au mouvement, parce que, en b, en c, en d, le mobile est toujours là où il n’était pas l’instant qui précède, et cela suffit pour qu’il avance.

Il avance, parce que les unités de longueur b, c, d sont des fractions du chemin à parcourir, et, s’il avance, il pourra épuiser une longueur, franchir une distance, atteindre un but.

Que l’on compare la situation des partisans du fini à celle de leurs adversaires ! Pour ces derniers, pas d’avance, si petite qu’on l’imagine ; il leur faudrait, pour l’obtenir, épuiser des infinités d’infinis.

Soit, dira-t-on, dans une telle hypothèse tout se passe ou paraît se passer assez simplement ; chaque avance répond à un instant, et le mouvement total n’est qu’une somme d’instants et d’avances. Mais cet essai de solution se heurte à une difficulté grave. De la somme de ces instants successifs détachez un instant unique pour le considérer seul. À quel signe reconnaîtrez-vous que le mobile y est en mouvement ou en repos ?

À aucun sans doute, si l’on ne considère le mouvement que du dehors. Le mouvement en effet ne peut se manifester que par des avances, et, pour constater une avance, il faut de toute nécessité une comparaison. Tel mobile passe de a en b, considérés comme lieux contigus. Il est clair que, au point de vue de l’expérience, et pour qui n’est pas dans le secret de l’énergie intérieure au mobile, l’avance n’existe et ne se montre aux yeux que si l’on peut comparer le point b, où le mobile vient d’arriver, au point a d’où il est parti ; mais cela même prouve justement et d’une façon absolue que le mouvement pris en lui-même, le mouvement en son intime et vivante réalité, a dû se produire dans l’instant, car les deux instants que l’on compare sont celui où le mobile se trouvait en et celui où il n’y est plus. Or, de ces deux instants, un seul, si l’on veut bien tenir compte des précédentes analyses, appartient au mouvement.

Disons donc qu’on ne constate le mouvement le plus simple que par la comparaison de l’avant ou de l’après. D’où la nécessité, pour que cette comparaison ait lieu, de deux éléments de durée et, par suite, d’un premier minimum de durée composée et divisible. Sur ce point, savants et philosophes peuvent, croyons-nous, se mettre d’accord.

De même, quoi qu’en ait pu penser Zénon, il faut soutenir que, dans l’hypothèse des indivisibles, et précisément en vertu de cette hypothèse, deux instants au moins sont nécessaires à la constatation du repos. a se trouve en l à l’instant i ; il y est encore à l’instant i′. On peut dire que a est en repos, parce que, aucune avance ne s’étant produite, ses relations avec le dehors n’ont pas varié.

Peut-être, dès maintenant, pourrait-on tenter d’expliquer la différence qui sépare l’état de a et l’état de b, si depuis un instant a est ici, tandis que b ne fait que d’arriver là. L’un et l’autre paraissent être ici et là au même titre et dans les mêmes conditions ; l’un et l’autre semblent en repos. N’en croyons rien. Pour b, l’occupation est celle du premier moment ; pour a,