Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/402

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sitif d’énergie d’où va résulter la vitesse. La vitesse, sans doute, ne se détermine a posteriori que par l’espace et le temps, mais elle a son principe dans le mobile même, et l’on peut dire qu’à chaque instant le mobile porte avec lui, porte en lui la vivante raison du nombre d’étapes qu’en un temps donné il doit franchir.

Dans une doctrine où tout s’explique par le ressort de l’énergie tendue et en acte, le devenir, qui n’est que puissance, ne peut entrer que par accident. Remarquons même qu’il ne saurait y recevoir qu’un sens subjectif, l’objet étant, par hypothèse, le lieu nécessaire de l’acte déployé et de l’être. Qu’est-il donc pour nous dans la science, et en particulier dans l’ordre des faits qui nous intéresse ? Le signe d’une ignorance fatale, rien de plus. La génération des grandeurs dans l’absolu nous échappe et nous échappera toujours, et si nous croyons qu’il en est de dernières, nul ne peut songer à savoir quel rapport entretient l’indivisible de durée ou d’étendue avec le composé apparent. Dès lors le devenir, et, par suite, le continu, qui n’est que le devenir dans le temps et dans l’espace, a un sens et un emploi. C’est l’indéterminé que l’œil voit, au lieu du déterminé que, sans le voir, la raison exige ; c’est l’arbitraire du plus et du moins substitué au nombre fini et précis. Dans le continu ainsi défini, supposez maintenant que les parties se condensent ou se dilatent, qu’elles s’opposent ou se mêlent, se distinguent où se pénètrent, vous le pouvez ; vous êtes maître, la réalité n’a rien à y voir. Imaginez, s’il s’agit du mouvement, au lieu d’avances instantanées et successives, un glissement sans division avec ses infinités d’infiniment petits en chaque progrès ; dites même, si vous le voulez, que le mobile, en son glissement, est et n’est pas en l’une quelconque des parties qu’il traverse et qui le portent au but ; rien ne vous en empêche, puisqu’il est entendu que ces parties, à votre gré, peuvent se confondre, être ou n’être pas elles-mêmes. Tout cela, en définitive, s’entend, et nul ne fera difficulté de l’admettre, sous la réserve qui a été faite au début, et au point de vue spécial où est placé le sujet ; mais si de ce devenir vous entendez faire un absolu, si vous croyez qu’il existe et fait le fond de l’étendue et de la durée, si de la mathématique qui l’emploie et ne le fait d’ailleurs qu’avec des restrictions qu’il sera peut-être utile d’indiquer un jour, on songe à faire une métaphysique, alors c’est tout autre chose. Retranché de son milieu, privé de sa raison d’être, il semble que le devenir ne puisse bien ni s’expliquer lui-même, ni expliquer hors de lui ce qu’il devrait expliquer.

Sur ce point nous ne pouvons qu’esquisser des considérations qui, développées, demanderaient une longue étude. On nous comprendra sans doute à demi-mot.

Le devenir, objectivement pris, enveloppe en lui-même, et abstraction faite de toute pensée qui l’y aurait introduite, l’indétermination des parties. Il faut donc que les parties qu’il enveloppe s’y multiplient et s’y condensent, s’y distinguent et s’y pénètrent. Son essence est ainsi contradiction. Mais qu’est-ce donc que ces parties, pures possibilités par définition, qui, séparées à l’origine, s’appellent et se rapprochent, vivent en elles, puis se détachent d’elles ? Peut-on donner mouvement et vie à ce qui véritable-