Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/442

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Dans toutes les branches de la science physique, où, à côté des lois, on étudie les multiplicités de succession, en tant que formant un ensemble cohérent, un tout que l’on isole et que l’on définit, on est obligé d’envisager cet ensemble, ce tout à la façon de la substance. Les sciences physiques concrètes, ou sciences des agrégats inorganiques, l’astronomie, la géologie, la minéralogie et toute la partie descriptive de la chimie sont ainsi entachées d’ontologie. L’astronome qui raconte l’histoire des masses célestes, le géologue qui retrace celle de la masse terrestre, le chimiste, lui-même, qui admet sans difficulté qu’un même corps, qu’une même « substance » — c’est le terme consacré — peut revêtir successivement les apparences les plus diverses[1], ne font-ils pas constamment, et la plupart du temps inconsciemment, des hypothèses ontologiques, ne raisonnent-ils pas comme si les phénomènes qu’ils étudient n’étaient que les apparences de quelque chose, ses manières d’être, ses états, et ce quelque chose en quoi diflère-t-il de la substance ?

Mais cette attitude de la pensée scientifique se modifie à mesure que l’esprit progresse dans la connaissance des lois, et l’usage du concept de substance tend à disparaître. Le but que poursuit la science est, en définitive, la systématisation des lois ; l’histoire et la description sont des modes préliminaires de la méthode, qui correspondent à une phase transitoire de l’investigation. Les entités créées à l’origine perdent peu à peu leur caractère ontologique et finissent par se réduire à de simples termes logiques entre lesquels s’établissent les rapports exprimés par les lois, à des termes de relations après avoir été conçues comme des existences réelles. De l’angelus rector, moteur spirituel des planètes, imaginé par Kepler, à la résultante de l’impulsion tangentielle et de la force attractive centrale, il y a juste cette différence qui existe entre une entité substantielle conçue comme une réalité concrète, quoique inconnue, et un terme d’une relation de quantité qui perd toute signification dès qu’on cherche à le considérer isolément.

On peut dire, du reste, que l’illusion ontologique va en s’effaçant en même temps que diminue l’importance attachée aux faits en tant que phénomènes particuliers, et non en tant que manifestations de la conformité avec une loi générale.

On a cru longtemps que les transformations géologiques offraient

  1. Notamment dans les transformations allotropiques et isomériques.