Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/444

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stitue l’histoire explicative à l’histoire simplement descriptive. La doctrine de l’évolutionnisme physique, qui n’est qu’un « de natura rerum » perfectionné, nous ramène aux antiques cosmogonies. En s’arrêtant de nouveau au point de vue historique, que la science positive abandonnait progressivement, elle rétablit l’usage d’hypothèses métaphysiques qui tentaient à tomber en désuétude et leur restitue leur importance primitive. En particulier, l’évolutionnisme physique, tel que Spencer l’a exposé dans ses Premiers Principes, repose sur le réalisme substantialiste ; c’est donc bien une métaphysique et une métaphysique ontologique. Si loin qu’il pousse l’unification, la synthèse, la réduction du dissemblable au semblable, il aboutit toujours à quelque chose d’irréductible, à une entité jouissant de toutes les propriétés négatives de l’Absolu. Des atomes d’Epicure et de Lucrèce à la Force d’Herbert Spencer la distance est bien moindre qu’on ne se l’imagine communément.

II

Passons maintenant à la critique de l’évolutionnisme physique, en tant que théorie rationnelle. Il s’agit de rechercher si cette théorie ne renferme pas de contradiction, c’est-à-dire si l’idée primitive d’évolution, qui l’a engendrée, et qui est son point de départ analytique, ne se trouve pas finalement exclue de la conception de l’univers à laquelle elle aboutit, parce qu’elle est incompatible avec le principe ou l’hypothèse mécaniste et déterministe qui lui sert de point de départ dans son processus synthétique. Il s’agit d’examiner si elle nous fait assister à une évolution véritable, si, à la lumière qu’elle répand sur les choses, nous voyons le monde physique, dans son ensemble et dans ses parties, évoluer ; ce mot conservant sa signification première, inséparable des idées de développement, de transformation, de progrès et de devenir.

La théorie évolutionniste, devant rendre compte de la succession des phénomènes, emprunte, cela va de soi, à la science positive ses résultats, qui sont les lois de la nature extérieure. Elle y est amenée en cherchant à établir, entre les éléments des multiplicités de succession, des rapports de causalité ; car, pour rendre intelligibles les multiplicités de succession, il faut les exposer sous la forme d’enchaînements de causes et d’effets. Or c’est aussi l’objet de la science