Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/448

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tivement, ne pas se figer en un moule creusé une fois pour toutes, mais posséder la faculté de se modeler sur une infinité de formes et conserver, au moins en puissance, une plasticité qui défie la mesure et échappe à la prévision. Là où tout est déterminé, il n’y a pas de devenir, et le devenir implique toujours une part d’indétermination.

Le concept d’évolution, né de l’observation des phénomènes de la vie, devait aboutir naturellement à cette notion du devenir, parce que l’individuation s’opposait à ce qu’on identifiât complètement les développements d’individus distincts, quelque semblables qu’ils parussent d’ailleurs. La croissance d’un être vivant appartenant à une certaine espèce, bien que reproduisant par la plupart de ses caractères un même processus spécifique, devait être considérée, pour chaque individu en particulier, comme quelque chose de nouveau. Les germes d’une même espèce manifestent bien, sans doute, chacun les mêmes phases de développement ; mais, avant que la physiologie fût assez avancée pour qu’on pût se convaincre de l’identité superficielle de ces développements, ce que l’on remarqua tout d’abord, ce fut le caractère essentiellement individuel, personnel et original de chaque développement en particulier. En biologie, la considération de l’individu, antérieure à celle de l’espèce, devait empêcher pendant longtemps l’introduction du principe des lois et l’usage du concept de la répétition intégrale relativement aux actions physico-chimiques manifestées par la vie. Le déterminisme physiologique ne date que d’hier. Et, du reste, l’existence des phénomènes psychologiques demeure une preuve que le point de vue physico-chimique ne donne qu’un aperçu incomplet sur les phénomènes de la vie.

L’évolutionnisme physique, en essayant d’adapter le concept d’évolution à l’explication mécanique des phénomènes de la nature extérieure, n’a pu le faire sans le déformer et sans le dépouiller de sa signification originelle. Dans le monde des lois, de la répétition intégrale, de l’identité et de la permanence, rien n’évolue, rien ne devient, parce que tout y est, en réalité, définitif et immuable, et transitoire et muable seulement en apparence.

Cette déformation est manifeste dans la partie du système de Spencer consacrée à l’histoire de l’univers matériel[1]. Ici, le désaccord est flagrant entre l’idée d’évolution et les conclusions qu’il est aisé

  1. Voir les Premiers Principes.