Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/560

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Mais alors, que l’abstrait existe à part du concret, que le concret dépende de ce qui en a été tiré par une abstraction, c’est une contradiction dans les termes. Dire que l’idée est une abstraction de l’expérience, ce n’est pas indiquer seulement une méthode particulière propre à la découvrir, c’est la définir par son essence.

Il y a plus : Hégel lui-même contredit que le passage de la logique à la nature soit purement synthétique. « Il est clair, dit-il, qu’on ne doit pas parler de l’apparition de l’esprit, lorsqu’il se dégage de la nature, comme si la nature était absolument immédiate et première, et l’esprit soumis à sa loi : c’est bien plutôt la nature qui est soumise à la législation de l’esprit, et celui-ci qui est absolument primitif. L’esprit, en et pour soi, n’est pas le simple produit de la nature, mais en vérité son propre produit ; il pose lui-même les présuppositions dont il se dégage : l’idée logique et la nature extérieure. Il est la vérité de l’une comme de l’autre. » L’esprit, fin de tout le procès dialectique, est donc aussi son propre fondement logique, et le progrès qui s’opère de l’idée à la nature et de la nature à l’esprit présente un aspect analytique, aussi bien qu’un aspect synthétique, puisque la fin du procès dialectique est seulement d’atteindre la connaissance explicite de son fondement, qui comme tel doit avoir été présent pendant tout le cours de la dialectique. On peut remarquer que Hégel emploie pour caractériser la relation de l’esprit au commencement apparent du procès dialectique, la même métaphore de l’ « ingratitude », qu’il employait précédemment pour exprimer le rapport de la logique aux détails empiriques qui en sont le point de départ. C’est une légère raison qui s’ajoute pour nous faire croire que l’élan qui nous mène à l’esprit est dû à la présence implicite de l’esprit, pendant toute la durée du mouvement, et non au progrès tout synthétique de la logique à l’esprit, en passant par la nature. Car, dans la logique, le ressort du procès dialectique ne résidait pas dans les faits particuliers qui servaient de point de départ, en tant que tels. — La nature ne peut donc, comme le suppose M. Seth, être produite par la législation de la logique.

Sous sa seconde forme, l’objection est aussi mal fondée. Assurément, une argumentation qui tendrait à conclure de l’essence à l’existence serait tout à fait erronée. Toute proposition portant sur l’existence doit être ou fondée directement sur l’expérience immédiate de la réalité, ou reliée par une chaîne de jugements médiats à une proposition de ce genre. La différence qui sépare le monde réel et le