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même que nous existons individuellement par le sentiment de notre action, que nous ne voulons que leur appliquer les formes de notre esprit, etc.


IX



Lettre de Biran à Ampère.

Comment l’impénétrabilité se dépouille-t-elle de tous les éléments subjectifs ? — Comment des notions quelconques peuvent-elles être dépouillées des lois subjectives de la pensée dont elles dépendent essentiellement ?

Il est certain qu’il n’y a point de connaissance quelconque sans la double unité du sujet qui connaît et de l’objet qui est connu. La première unité subjective se vérifie et se constate immédiatement et primitivement par elle-même ; si la seconde unité objective, qui est la résistance ou l’impénétrabilité, n’est point renfermée dans le fait de conscience, elle ne peut être qu’une déduction, produit de l’expérience extérieure ou de quelques associations ou opérations particulières de l’esprit.

Il est très simple de dire avec Kant que tout ce qu’il y a de un dans nos représentations ou conceptions appartient au sujet pensant et ne peut appartenir qu’à lui, comme étant la forme propre dont il revêt les phénomènes externes ou internes. Dans cette hypothèse simple, il est impossible de savoir non seulement ce que sont les noumènes ou les choses en elles-mêmes, mais de plus s’il y a des noumènes ou des choses hors de nous. Kant suppose l’existence de ces choses, mais bien loin que son système en justifie la réalité, il tend au contraire à la démentir en faisant ressortir du sein du sujet tout ce qui n’est pas phénomène sensible. Or, les phénomènes tels que les couleurs, les sons, etc., ne pourraient-ils pas être donnés sans qu’il y eût des corps ?

Supposez qu’il y eût des représentations de couleurs et de tact passif sans impénétrabilité connue à l’aide du sens musculaire continuel de l’être qui percevrait ainsi ces phénomènes, ne pourrait-il pas immédiatement connaître ou ne pourrait-il savoir par déduction qu’il y a quelque chose qui reste et qui est caché sous ces phénomènes ? S’il en était ainsi, ce serait cette chose qui serait le noumène réel, inséparable de l’étendue, donné avec elle, quoiqu’il fût conçu