Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/70

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De plus, remarquons que le consentement actif lui-même quand il n’est pas actuellement conscient se maintient en nous sous une forme que, nécessairement, d’après ce que nous avons dit plus haut, nous objectivons sous forme de nature. La certitude fondamentale est action, décision, mais en tant que vérité, nous la posons à la fois sous la forme personnelle sous laquelle nous en prenons conscience, et sous la forme impersonnelle de nature, de vie, de sentiment ; de sorte qu’elle aussi, en tant que nous ne la pensons pas actuellement, nous apparaît comme un donné. Et comme, en ce cas, la vérité en dehors de notre conscience empirique peut être traitée comme une conscience, nous pouvons considérer la certitude morale à la fois comme un consentement et un don, comme l’effet d’une collaboration de la grâce et de la liberté.

Le désir, le sentiment moral et religieux, l’inspiration peuvent être tenus dès lors pour la marque du divin en nous, pour le signe de la grâce auxiliaire de la volonté. Mais il faut ajouter : pas plus que le nom d’objet et en général tout nom qui dépasse le fait strict de l’affirmation ne convient, à proprement parler, à, la conscience intellectuelle, pas plus le nom de sentiment ne convient à ce sentiment supérieur. De même que Dieu, selon les théologiens, doit être dit supérieur à la nature, et à la fois liberté et nature, et liberté en soi et liberté en nous, de même le sentiment moral et religieux n’a rien, comme dit Kant, de pathologique ; mais il est intimement mêlé à la volonté, l’appelant et la prolongeant, suscité d’autre part, et mérité par elle (quel est le consentement où il n’entre un désir, et le désir où il n’entre un consentement ?), donné avec et en même temps qu’elle, comme ce coefficient d’éternité qui transforme la conscience intellectuelle en être, et l’ordre de la moralité en un ordre universel.

Ainsi le sentiment, sous la double forme du sentiment de la solidarité naturelle et du sentiment religieux, reprend son rang dans la hiérarchie des choses. Et ces deux formes sont connexes : car sans l’accord de la nature avec la certitude morale, c’est-à-dire s’il n’était possible de justifier l’altruisme naturel, la certitude morale ne pourrait être dite absolument vraie, c’est-à-dire le sentiment religieux justifié.

Tels sont les rapports d’une telle conception avec le kantisme d’une part, avec l’ancienne théologie d’autre part. Le lecteur remarquera aisément aussi l’analogie de ces idées avec celles de M. Lachelier. Si nous ne l’avons pas cité plus souvent, c’est qu’à vrai dire nos