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EN POLITIQUE.

les partisans de l’absolutisme ne voient en lui, au contraire, qu’un Procuste étendant les royautés sur le lit fabuleux, et retranchant de leurs droits tout ce qui dépassait les bornes que sa politique avait fixées.

Quant à nous, qui pensons que le premier devoir d’un ministre est de rendre heureuse et forte la nation dont les destinées lui sont confiées, nous n’hésitons pas à dire qu’un homme placé à la tête des affaires, doit renoncer complétement à toute opinion personnelle. Ses affections particulières, si elles sont en opposition avec les intérêts du pays, doivent même céder irrévocablement à l’immense obligation qu’il contracte. S’il advenait qu’il lui fût indispensable de compromettre la tranquillité de deux peuples pour assurer celle de sa patrie, il ne pourrait pas balancer ; la tranquillité des deux peuples devrait être sacrifiée. Ces doctrines seront sans doute repoussées par certaines personnes qui ne voient pas que telle qualité qui honore un homme privé serait un vice chez un homme public, parce qu’il est un pouvoir qui, dans toute société, protège le citoyen contre le citoyen, tandis que la force, le talent et quelquefois l’audace peuvent seuls protéger une nation contre sa rivale.

Pour mieux démontrer la différence qui existe entre l’homme privé et l’homme public, il suffira d’un court rapprochement. Tout être collectif, étant mineur, ne peut gérer lui-même ses affaires. Dans les gouvernemens purement monarchiques, le tuteur du peuple, c’est la couronne ; dans les gouvernemens constitutionnels, c’est encore la couronne ; mais il y a de plus deux subrogés tuteurs, ce sont les chambres. Or, un homme peut à son gré sacrifier sa fortune ou exposer sa vie pour secourir un autre homme ; la société admirera sa générosité. Mais serait-il loisible à un tuteur de détourner la moindre partie des biens de son pupille, pour secourir même son père ? ne doit-il pas s’efforcer, au contraire, d’améliorer et d’agrandir la fortune dont il a accepté la gestion ? Il en est de même du