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EN POLITIQUE.

les rues ; chaque individu, au moment d’arriver sous la porte du rempart, éteint sa pipe sans murmurer, sauf à la rallumer quand il sortira de la ville. Quelques ponts sont divisés en trois parties : sur celle du milieu passent les voitures, et sur les parties latérales les gens de pied, mais de telle manière que ceux qui viennent passent d’un côté, tandis que ceux qui s’en vont passent de l’autre. En France, il faudrait des soldats pour veiller à l’exécution de cette mesure ; là-bas, il suffit qu’on l’ait indiquée pour que personne ne s’en écarte. Tout se faisant toujours de la même manière, aujourd’hui comme hier, demain comme aujourd’hui, il faut donc des institutions presque fixes à un pareil peuple. Que l’on joigne maintenant à ces dispositions nationales, l’immense influence que l’aristocratie exerce dans l’empire, et l’on verra si M. de Metternich, même avec les idées les plus libérales, aurait pu gouverner l’Autriche d’après ces idées.

La politique doit se diriger en conséquence de ce qui existe, sans quoi elle s’égare ; voilà un axiome dont on fait trop peu de cas de nos jours. On imagine des utopies, on prétend que les peuples ont un but commun. Il serait heureux que cela fût, mais cela n’est pas. Chaque peuple (nous entendons par peuple la masse entière, et non quelques individus plus ou moins instruits), chaque peuple a un but particulier ; c’est son bien-être qu’il cherche, sans s’occuper du bien-être des autres. On abuse donc l’opinion publique en lui présentant comme un fait sensible ce qui n’est que le vœu de quelques ames généreuses, ou le rêve de quelques esprits systématiques. Plein de cette idée, on a taillé sur le même modèle vingt plans de réforme qu’on va offrir à chaque état. Cependant, avant de prendre un parti de ce genre, il faut bien étudier les mœurs des hommes qu’on veut régir par des institutions nouvelles, il convient de bien observer leur tempérament politique ; autrement on court le risque de ressembler à cet empirique qui administre son spécifique pour