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RÉPUBLIQUE HELVÉTIQUE.

détruisirent des milliers d’ennemis, et n’auraient jamais cédé, s’ils n’avaient été trahis par un moine, dans lequel ils avaient placé leur confiance, et qui indiqua un sentier, pour tourner cette poignée de braves.

Mais 210,000 hommes pourraient bien ne pas s’occuper seulement à défendre leur territoire. Il ne serait pas même impossible de voir leurs armes se réunir à celles de la puissance qu’on prétendrait attaquer à travers leur pays. L’Autriche réfléchira sans doute avant d’essayer une invasion qui rallierait contre elle la Suisse et la France, dont les troupes se porteraient au cœur de l’Allemagne, et la France hésitera également avant que de forcer les Suisses à se joindre aux armées allemandes, et à mettre ainsi à découvert soixante-dix lieues de ses frontières.

Ici on objectera probablement que la Suisse n’a pas d’argent pour entretenir son armée ; mais des troupes nationales combattant au sein de leur pays et pour leur pays, peuvent se passer de solde mieux que d’autres ; ensuite la politique européenne est assez connue, pour savoir qu’il y aura toujours une ou deux grandes puissances qui trouveront leur avantage à fournir les moyens nécessaires à la défense de cette contrée. Il n’y aura pas là de sentiment, car en politique il n’y faut pas compter ; mais de la convenance, parce que de tous les moyens d’empêcher certains accroissemens de pouvoir qui seraient dangereux, ce sera le plus efficace et le plus économique.

Si la république n’a pas défendu ses frontières en 1814, c’est qu’elle n’était pas seule fatiguée du joug de Napoléon, qui, en échange de quelques services, lui avait imposé l’obligation de fournir à ses armées un corps de douze mille hommes, qu’il envoyait se fondre chaque année dans les pays lointains. D’ailleurs, n’était-il pas permis à des Suisses de conserver du ressentiment pour l’invasion française de 1798, pour les spoliations qui l’accompagnèrent, et les épouvantables dévastations qui en furent la suite ? La population entière de quel-