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DES LÉGIONS POLONAISES EN ITALIE.

patrie, et témoigna vivement le désir de pouvoir lui en faire hommage. Dombrowski ne fut pas insensible à cette démarche, et profitant des bonnes dispositions du consulat romain, il chargea le capitaine Kozakiewicz, qui était resté à Fano et Sinigaglia avec quelques centaines d’hommes, de prendre, à son passage par Lorette, l’étendard de Mahomet, et de le porter à Rome. Cet ordre fut exécuté. Le capitaine Kozakiewicz, ayant réuni tous les détachemens éparpillés, arriva à Rome le 19 prairial (7 juin), avec le drapeau, qui fut déposé, avec tous les honneurs militaires, chez le général Dombrowski. Le drapeau, depuis ce jour-là, suivit constamment le quartier-général de la légion, et même, lorsqu’elle fut dispersée, fidèle à la fortune de Dombrowski, il fut, après sa mort, déposé, en 1818, dans une salle du château de la société royale des Amis des sciences de Varsovie, où il est religieusement conservé.

Quant au sabre, le général Dombrowski le reçut en présent ; mais, voulant donner à cette arme une destination digne d’elle, il l’envoya plus tard, au nom des légions, à l’immortel défenseur de la liberté polonaise, le généralissime Kosciuszko. Le héros reçut ce gage de reconnaissance des mains de Kniaziewicz, lorsque plus tard cet officier supérieur des légions fit le voyage de Paris, pour présenter au Directoire les drapeaux enlevés aux Napolitains[1].

  1. « Un jour la Pologne pensa renaître ; un homme eut dans la main son avenir, car il avait, en quelque sorte, la puissance du destin, la puissance du temps. Il pouvait donner à la société polonaise, avec des lois nouvelles, une nouvelle vie. Il pouvait le tenter du moins. Il aima mieux briser des trônes que de refaire un peuple. Il courut au Kremlin, y trouva la borne fatale marquée à sa grandeur, et quand, plus tard, le monde l’enferma vivant dans le sépulcre de Sainte-Hélène, il emporta sur ce rocher lointain, sur ce trône de l’exil, parmi les débris de sa gloire, le sabre de Jean Sobieski. Était-ce comme souvenir de ses triomphes, ou comme monument de ses fautes ?… » (Histoire de Pologne, par M. de Salvandy.)