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GUERRE D’ORIENT.

imprenable comme Gibraltar, ou, tout au moins, d’une place de premier ordre ? Les témoins oculaires en ont dû juger autrement : c’est tout au plus si on peut appeler Varna une ville de guerre. Elle n’a pas un seul ouvrage avancé, pas même de chemin couvert. Il n’existe qu’une muraille pour fermer la place, avec un petit fossé, d’environ quinze pieds de large et dix pieds de profondeur, et son port, que les publicistes destinaient aux grandes escadres moscovites, peut recevoir à peine des bâtimens au-delà de cent tonneaux. Telle est la ville qui, pendant trois mois, repoussa tous les efforts des Russes, et dont les portes ne furent ouvertes que par la trahison.

On ne dirigea d’abord contre Varna qu’un faible corps, qui fut battu ; quelques renforts éprouvèrent le même sort. Mais pourquoi si peu de monde ? C’est qu’à vrai dire, on ne pouvait pas en envoyer davantage. Des ordres venaient d’être expédiés pour hâter la marche de cent mille hommes destinés à remplir les cadres vides, et à donner plus d’énergie aux opérations. Le corps de Scherbatoff et la garde elle-même s’étaient mis en mouvement ; mais, en les attendant, le siége ne pouvait être conduit qu’avec lenteur, et le prince Menzikoff, à la tête de la flotte et d’une brigade qu’il amenait d’Anapa, ne put que s’emparer des bastions les plus rapprochés de la mer. C’est à cette époque que l’empereur, déjà revenu de Chumla devant Varna dans les premiers jours d’août, abandonna précipitamment son camp, pour venir à Odessa remercier Dieu du succès brillant de ses armes, et y recevoir les félicitations équivoques de la diplomatie européenne.

Enfin la garde impériale arrive au commencement de septembre. Il fallait évidemment des circonstances bien graves pour autoriser l’emploi de ce corps d’élite. Napoleon ne faisait donner sa garde que pour les coups décisifs, et quand on vit les vainqueurs du monde courir sans relâche et presque seuls, des champs de Brienne à ceux de Montmirail et de