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RUSSIE.

pénétré jusque dans Bucharest ; puis attendre les pluies d’automne, le débordement des rivières, les exhalaisons mortelles des marécages, les ouragans de la mer Noire, et alors lancer contre lui toutes les forces d’Hussein et de Vrione, faire avancer l’armée d’Andrinople, précipiter sur ses flancs toutes les garnisons du Danube, tel était le projet conçu par Sultan Mahmoud, et dont une cause qu’il ne pouvait soupçonner empêcha seule l’entier accomplissement.

Mais ce qu’il avait été donné au Sultan de prévoir se réalisa. Le ciel se couvrit de nuages, les torrens descendirent des montagnes, la contagion s’échappa des marais, et les tempêtes dispersèrent la flotte. La possession de Varna profita peu à l’armée russe. Plus tôt, elle aurait pu faciliter l’approvisionnement des troupes, l’arrivée des munitions et des renforts ; mais à cette époque, la campagne touchait à sa fin. On avait annoncé une campagne d’hiver ; ceux qui se trouvaient sur les lieux savaient à quoi s’en tenir. À défaut de soldats, les neiges seules défendraient le Balkan. Bientôt la retraite commença ; ce fut plutôt une débandade qu’un mouvement organisé. Infanterie, cavalerie, artillerie, tout se traînait pêle-mêle dans la boue. Les routes n’étaient couvertes que de morts et de cadavres d’animaux, de caissons et de canons abandonnés, de soldats malades ou blessés. Poursuivis par les spahis d’Hussein-Pacha, assaillis par les garnisons des forteresses, les débris de divisions russes rentrèrent avec peine dans les deux principautés ; et quand il fallut se rendre compte des résultats de la guerre, on trouva que le matériel était perdu, la cavalerie anéantie, et que près de cent mille hommes avaient disparu depuis le commencement des hostilités.

Pendant ce temps, l’empereur, suivi du corps diplomatique, avait quitté les côtes de la Bulgarie. Une tempête affreuse accueillit sa flotte. Les vaisseaux russes n’avaient plus leur seconde voilure ; on s’en était servi pour dresser des tentes aux bles-