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SOUVENIRS DU BRÉSIL.

Lord Cochrane au contraire, déployant la plus grande activité, essaya de détruire, dans une attaque nocturne, la flotte royaliste. Sir Thomas Hardy, commandant l’escadre anglaise en station dans ces parages, avait averti l’amiral portugais de se tenir en garde contre la tactique audacieuse de son adversaire, et lui avait indiqué combien il la redoutait lui-même, en se portant avec ses vaisseaux à une distance de six ou sept milles, pour être hors de la portée du canon, en cas d’attaque. Ce qu’il avait prévu arriva quelques nuits après : profitant d’une obscurité profonde, lord Cochrane s’engagea seul avec son propre vaisseau, le Pédro, au milieu de vingt-trois vaisseaux de guerre, protégés par des forts et des batteries ; il était au moment d’aborder le vaisseau amiral, dont la prise eût décidé du sort du reste de la flotte, lorsque le vent tourna subitement, et sauva l’escadre royaliste.

La misère des habitans était au comble ; on cédait des esclaves d’une grande valeur pour les sommes les plus modiques, parce qu’on était hors d’état de les nourrir ; les alimens les plus grossiers étaient vendus au poids de l’or. Dans ces tristes conjonctures, le gouverneur prit le seul parti qui lui restait ; il était rigoureux, mais la nécessité le justifiait : ce fut d’envoyer à l’ennemi toutes ses bouches inutiles. On accorda un délai de trois jours pendant lesquels près de six mille vieillards, femmes et enfans, quittèrent San-Salvador. La pluie, qui tombait par torrens, aggravait cette scène d’horreur, et le plus grand nombre de ceux qui sortirent de la ville, les femmes surtout, élevées dans l’indolence voluptueuse du climat des tropiques, n’échappèrent aux horreurs de la guerre, que pour devenir la proie d’une fièvre dévorante, occasionnée par la fatigue et l’intempérie de l’air.

Ce fut le 15 ou le 16 mai que les Braziliens, fatigués de leur système de temporisation, ou encouragés par ceux qui avaient abandonné la ville, résolurent de faire une tentative