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CADIZ, PORT FRANC.

haut degré de splendeur, et mérita le beau titre de reine des mers, au moment où les découvertes de Vasco de Gama et de Christophe Colomb livrèrent à l’Europe deux nouveaux mondes. Ce fut alors que s’y établirent une foule de maisons étrangères venues de France, d’Angleterre, de Hollande ; que s’élevèrent ses vastes magasins, ses arsenaux, ses chantiers, et que son port se couvrit des vaisseaux de toutes les nations[1]. Depuis cette époque, la plus grande partie des richesses de l’Inde et de l’Amérique passa par ce vaste entrepôt pour se répandre dans l’Europe. Mais cet état florissant ne fut pas de longue durée ; avec la décadence de l’Espagne, commença celle de Cadiz. La prise de Gibraltar par les Anglais en 1704 prépara sa ruine, qu’achevèrent la destruction de la marine espagnole à Trafalgar, et l’émancipation des colonies d’Amérique. Cadiz était descendue au dernier degré de détresse et d’agonie quand le décret de franchise a paru.

On sentait bien que le seul moyen de rendre la vie à cette importante cité, et d’utiliser au profit de l’Europe entière son admirable position, c’était de l’affranchir. Mais pouvait-on, dans les circonstances actuelles, espérer cet acte de prudence et de force ? Ceux mêmes qui voyaient le remède n’osaient ni l’indiquer ni l’attendre : tout semblait en effet concourir à le rendre impossible. Depuis le commencement de 1820, Cadiz est, aux yeux du gouvernement d’Espagne, en état de suspicion et de défiance. La ville de la révolution devait plutôt craindre des châtimens qu’espérer des faveurs. D’une autre part, dans un pays où les impôts généraux ne sont qu’irrégulièrement perçus, chez un peuple qui n’a presque plus d’industrie et se pourvoit à l’étranger, le revenu des douanes est une des

  1. La prospérité de Cadiz s’accrut lorsque le ministre Galvès eut rendu le commerce libre, en ôtant à Séville le privilége de la Flota, c’est-à-dire de l’arrivage exclusif des galions de l’état.