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CADIZ, PORT FRANC.

à réaliser, voilà quelle est la véritable cause de cette étrange et subite décision. Si l’on donne foi au bruit généralement accrédité d’une promesse de subside en hommes et en argent faite par la ville affranchie, d’une espèce de contrat par lequel elle aurait, comme les communes du moyen âge, acheté son affranchissement, on aura trouvé le secret de cette munificence[1].

Nul doute, je le répète qu’un motif plus puissant que la haine, que le besoin, que la crainte, n’ait parlé pour le salut de Cadiz ; car les raisons que j’ai données plus haut ne sont pas les seules qui s’opposaient à cette espèce de manumission ; elles ne sont du moins que temporaires, et l’on pouvait à la rigueur, espérer tôt ou tard un moment de justice et de raison. Mais il a fallu braver la difficulté la plus grave, celle qui semblait devoir condamner Cadix à ne jamais revivre : l’opposition de l’Angleterre. Les embarras de ce pays au dedans et au dehors, la guerre civile qui le menaçait à peine étouffée, la guerre étrangère imminente, ont dû paralyser en ce moment ses fières exigences : car il faut bien que la Grande-Bretagne s’y résigne ; sous un rapport, Gibraltar est perdu pour elle. Cette précieuse conquête ne sera plus dans ses mains qu’un poste militaire, une forteresse ; comme bazar, comme marché public, elle va cesser d’être. Gibraltar ne s’est élevé que depuis la chute de Cadiz, et par la seule franchise de son port. À forces égales, il sera vaincu. Cadiz est une grande et belle ville ; Gibraltar n’est qu’un bourg adossé à un rocher stérile. Cadiz possède un port immense, commode et bien abrité ; Gibraltar, à vrai dire, n’a pas de port ; les vaisseaux jettent l’ancre en pleine mer ; et chaque année d’affreuses catastrophes couvrant la plage de débris,

  1. Des renseignemens que nous croyons dignes de toute confiance, nous autorisent à porter le subside promis à onze millions de réaux par an (presque 3 millions de francs), nets de tous frais de perception et d’envoi.