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MOSCOU.

pour corrompre la bêtise et l’inexpérience ? Et qu’êtes-vous vous-même ? Je connais votre mère, et c’est par égard pour son âge, que j’use d’indulgence avec vous. Votre poème de Large-panse vous aurait ouvert les portes du nord. Il faut que vous ayez un fond de vice, pour vous honorer du nom de Français, synonyme de brigand. Pensez mûrement à vos actions, et si vous n’êtes pas plus circonspect à l’avenir, votre fin sera mauvais. Le généreux Alexandre livre quelquefois à la justice les fidèles serviteurs du coquin Napoléon. »

Il y a un post-scriptum à cette lettre, que ses expressions peu mesurées ne permettent point de rapporter.

Tous les voyageurs ont tourné en ridicule la superstition des Russes ; ils ont eu raison. Un étranger traversant le Gostonoi-Doun, s’étonnera de la vue des nombreux marchands, établis les uns auprès des autres. À cet égard, Moscou rappelle Constantinople pour ses bazars, et celui qui a habité ces deux villes, sera frappé de leur ressemblance. Ainsi, par exemple, les orfèvres sont réunis, le cordonnier et le libraire ont leur bazar particulier, chaque industrie, enfin, possède un marché séparé, depuis le changeur aux yeux exercés jusqu’au marchand de pelleteries. Mais de tous les commerces, le plus lucratif est celui de fabricant de saints ? Des boutiques par centaines sont remplies de ces petits saints tout fabriqués ; a-t-on entrée dans une telle boutique, un Russe choisira le patron du maître de la maison, lui fera la génuflexion et son signe de croix.

Il faut de l’empire sur soi-même pour ne pas rire, quand on voit les badauds de la ville adresser leurs adorations à la première image devant laquelle on s’avise de brûler un cierge ; il est quelquefois difficile de passer la porte du Kremlin, où se trouve placée la miraculeuse image dont j’ai parlé, sans courir le danger de trébucher sur quelque vieille bigotte, enflammée d’une sainte ardeur, et qui frappe pendant une heure sa tête sur le pavé, en dépit de la boue et des droskys. Souvent aussi