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POLYNÉSIE.

qui avait caché si long-temps à la France, à l’Europe entière, les restes d’une noble et généreuse entreprise ; nous allions fouler ce funeste sol, interroger ses plages et questionner ses habitans. Mais quel devait être le résultat de mes efforts ? Nous serait-il possible de mouiller notre corvette près des terribles écueils de Vanikoro ? Nous serait-il permis seulement de payer notre tribut de larmes à la mémoire de nos malheureux compatriotes… ? Telles étaient les tristes réflexions qui nous laissèrent plongés dans une morne rêverie…

Ce fut le 14 février 1828, au matin, que l’Astrolabe parut sur la côte orientale de Vanikoro, île haute, entièrement revêtue de sombres forêts, et dominée par des montagnes de quatre à cinq cents toises d’élévation, que couvraient ordinairement une bande de nuages stationnés sur leurs flancs escarpés. Une chaîne immense de brisans l’entoure de toutes parts, et s’étend régulièrement à plus d’une lieue de la côte. Cette formidable barrière menace d’un naufrage inévitable le téméraire navire qui tenterait de s’en approcher : ce n’est qu’après un long examen qu’on peut y reconnaître quelques issues dont l’accès est encore accompagné des plus grands périls.

Néanmoins, impatiens de franchir ce funeste obstacle, nous cherchâmes attentivement s’il ne nous serait pas possible de pénétrer au dedans des récifs par quelque passe moins dangereuse que celle de l’est, la seule qui nous parût accessible. Semée d’écueils, ouverte aux vents et à la houle du large, si la corvette eût touché en entrant, notre perte était presque certaine. Cependant nos recherches furent inutiles et nous ne pûmes trouver d’autre entrée que celle que nous redoutions. Dès-lors le sort en fut jeté ; résolu à tout braver pour accomplir un devoir que je regardais comme sacré, je dirigeai la corvette vers le mouillage de la baie de Tévai, où elle fut affourchée entre les brisans, le 20 février au soir.

Certes, dans cette baie ouverte, connue je l’ai déjà dit, à la mer et aux vents régnant d’est, notre position n’était nul-