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RUSSIE.

d’Iermoloff : son successeur est, comme on le sait, le feld-maréchal Paskewitch.

La soumission du pays au gouvernement russe est donc précaire et n’a d’autre fondement que la crainte. Il est vrai que, depuis les mouvemens de 1820, les peuplades indigènes, à l’exception de celles des montagnes, restées insoumises, supportent patiemment le joug. Les rigueurs d’Iermoloff, la défaite du khan de Kouba, la fuite de celui de Chirwan, le désarmement d’une partie de l’Iméréthie, ont établi cette espèce de paix que la force obtient toujours. Mais il est permis de croire que l’empereur compte peu de sujets dévoués dans ces provinces. Quelques nobles Géorgiens et surtout Iméréthiens, ont échangé leur importance locale contre des pensions ou des grades dans l’armée russe : ils briguent même, dit-on, la faveur de faire admettre leurs fils dans les écoles de Cadets, fondées sur les divers points de l’empire. Mais la masse de la population est restée étrangère à cette conversion politique, et l’administration des conquérans n’est pas assez éclairée pour faire oublier l’origine de leur pouvoir. Ils n’ont pu même parvenir, jusqu’à présent, à mettre leurs sujets complètement à l’abri des incursions des montagnards : seulement ils ont aboli ce honteux trafic qui peuplait de Géorgiens et de Géorgiennes les camps ou les harems de la Perse et de la Turquie. Mais ce bienfait même n’a pas été senti : M. Klaproth observe avec beaucoup de raison, dans son tableau du Caucase, « que, pour les habitans des régions caucasiennes, être conduit à Constantinople était un moyen de parvenir, et que, dans un pays où les femmes sont enfermées, où les parens vendent leurs filles en leur donnant un époux ; dans un tel pays, une fille doit désirer de tomber en partage au plus opulent, qui peut lui rendre la vie agréable par ses richesses. » Aussi plus d’une Géorgienne rêve encore les délices du sérail et les jardins embaumés de Constantinople et de Téhéran, et de pauvres paysans, enrôlés