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RUSSIE.

sur le modèle de nos villes. Mais, en plusieurs endroits, l’intempérie du climat a trompé tous ces efforts : quelques cantons de l’Iméréthie sont d’une telle insalubrité, que le cinquième des Cosaques employés à la garde des stations militaires, y meurt avant trois ans de séjour. Le khanat de Kouba est le tombeau d’un grand nombre de soldats, et le mauvais état du service sanitaire dans les hôpitaux russes augmente encore cette mortalité.

Jusqu’ici l’administration a travaillé assez maladroitement à améliorer cet état de choses, si toutefois elle s’en est sérieusement occupée. Au lieu de diriger de vastes entreprises d’assainissement, elle s’est contentée d’éloigner quelques postes des endroits insalubres. Le général Iermoloff voulut, il est vrai, fonder quelques manufactures, mais ces tentatives n’ont eu qu’un médiocre succès. À Tiflis, l’archevêque arménien a établi une école de langues étrangères, et on s’est même avisé d’y créer, en 1828, une gazette qui paraît chaque semaine en russe et en géorgien, et renferme des détails politiques et statistiques sur les provinces du Caucase. Mais cette érudition de luxe implantée dans la capitale, ne s’est guère étendue à l’intérieur des terres où les habitans demeurent dans l’ignorance la plus absolue, manquent d’écoles, de routes même, et n’ont entre eux aucun moyen de communication intellectuelle ou matérielle. Il faut se défier en général de ces récits merveilleux que l’on nous fait en Europe, sur les progrès rapides des lumières dans les provinces nouvellement conquises, et sur les prodigieux effets de l’administration moscovite. La civilisation, dans les provinces reculées de la Russie, ressemble à ces villages de bois, à ces arcs de triomphe en carton peint, que Potemkin semait en Crimée sous les pas de Catherine ii. Tout cela n’est qu’une décoration de théâtre élevée pour le plaisir des yeux, et qui croulera au premier souffle.

Tel est l’état où se trouvent aujourd’hui les possessions au-delà du Caucase ; tel est le résultat nécessaire des faits que