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VALACHIE.

UNE SCÈNE DE BOHÉMIENS.

(Extrait des Mémoires d’un jeune Grec.)


Je me trouvais en Valachie, chez un de mes amis, négociant comme moi, dans un de ces misérables villages composés de cabanes dont le premier venu peut se dire le seigneur s’il possède seulement un cheval proprement harnaché, des vêtemens étrangers et un commerce de quelques piastres. Dans ce pays, soumis d’avance à qui prend la peine de le conquérir, et qui n’a d’autre industrie que celle de tirer le meilleur parti possible de sa servitude, le bâton est le seul lien qui existe entre le maître et l’esclave : l’un commande et frappe, l’autre tend le dos et obéit. Les différences, du reste, ne sont qu’à l’extérieur : au fond, même corruption, même ignorance, même dégradation : le riche n’a pas même le triste avantage d’un vernis d’élégance pour déguiser la sienne ; les mêmes vices habitent sous la pelisse de soie du seigneur et sous la tunique grossière du paysan valaque…

Des étrangers, Juifs, Grecs, Serviens ou Bulgares, pour la plupart, exploitent le commerce de la Valachie. C’était dans ce but que j’étais venu vivre avec mon ami, issu lui-même d’une des familles franques les plus estimées de Constantinople. Mais, à la tête d’une maison considérable, il était obligé à de fréquentes absences ; il menait depuis longues années cette vie dure, active et périlleuse du négociant dans l’Orient : il m’avait donc laissé seul dans son village. Jeune, sans expérience, au milieu d’une population dont je connais-