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LETTRES SUR L’INDE ANGLAISE.

vère examen. Mais telle était la perfection de son gréement et l’habile agencement de ses manœuvres, que les lords de l’amirauté décidèrent qu’une récompense nationale serait offerte à Jemsejee, et ils lui écrivirent à ce sujet une lettre des plus flatteuses, que l’on montre encore avec orgueil dans sa famille. Ce fait seul suffirait pour vous prouver que l’Inde ne sera jamais stérile en hommes de talent, puisqu’elle a su égaler les Anglais dans un art que ceux-ci ont porté si haut.

Mille et mille fausses notions sur le caractère des Indiens circulent en Europe, et y sont regardées comme des axiomes. Vous arrivez ici, destiné à la carrière des armes, et sans connaître les hommes que vous devez commander. Vous croyez sans doute que la discipline européenne a tout nivelé, et que vous ne trouverez que des automates intelligens. Détrompez-vous ; car cette erreur pourrait avoir les suites les plus funestes.

Je n’ai pas sans doute besoin de vous rappeler que les Cipayes ont presque toujours joué un rôle brillant dans les annales militaires de la Grande-Bretagne. On n’a pas oublié l’héroïque conduite d’un régiment de grenadiers au siége de Mangalore, en 1784 ; et la défense qu’en 1818 le second bataillon du même régiment opposa à Corygaum, contre toute l’armée du Peshwa, vivra aussi long-temps que l’histoire de l’Inde. Dans le golfe Persique, sur les rives de la mer Rouge, sur les plages de l’Arabie, dans les colonies françaises, partout les Cipayes ont combattu côte à côte avec les sol-