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HISTOIRE.

de sentimens honnêtes, pour y substituer les passions les plus viles, en sacrifiant enfin à ces passions les intérêts les plus importans de la patrie. Les Égyptiens étaient en Morée et la parcouraient sans obstacle dans tous les sens ; la cause de la liberté expirait sous les coups d’un ennemi auquel rien ne résistait, et la Grèce était déchirée par une guerre civile cent fois plus cruelle que la guerre étrangère. Les Turcs n’avaient qu’à demander des traîtres pour qu’ils se présentassent en foule, et il est hors de doute que si Ibrahim eût continué le système qu’il avait suivi dans les premiers temps, s’il avait voulu employer, comme il le pouvait, l’arme si puissante de la corruption, la Grèce eût été entièrement asservie, bien avant le moment où nous sommes intervenus dans cette question. Mais par inclination il aimait mieux tout devoir à la force des armes ; victorieux dans toutes les rencontres, l’ennemi lui échappait sans cesse : en attendant, le temps se passait, les maladies décimaient son armée ; enfin a eu lieu notre intervention qui a changé entièrement la face des choses. Quoiqu’elle soit venue bien tard, elle a heureusement encore trouvé une portion saine dans la population. Cette portion est bien peu nombreuse : à peine est-elle perceptible ; cependant elle existe et elle est digne de tout notre intérêt, car elle peut seule régénérer la nation.