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LA GRÈCE EN 1829.

vouloir abreuver les véritables enfans de la liberté. D’un autre côté les Moraïtes ne ménagent pas davantage les Rouméliotes. Ils ne voient en eux que des brigands qui ne sont braves que pour le pillage et qui fuient devant l’ennemi ; ils leur rappellent le bombardement de Napoli par Grivas et la déroute honteuse de la journée d’Athènes ; c’est alors qu’on a vu trois cents Delhis disperser en un clin d’œil plus de dix mille Rouméliotes, et cependant Ibrahim était depuis quatre ans en Morée avec quarante mille hommes de troupes excellentes, sans avoir encore pu la soumettre. Si l’immense supériorité du nombre et de la tactique lui a donné la victoire dans le combat, les Moraïtes ne se sont pas soumis pour cela. Ils n’ont cessé de harceler leur formidable ennemi, ils ont épuisé ses forces par une guerre de détail, et déployé une constance dont les Rouméliotes n’eussent pas été capables. Ce sont ces dangereux auxiliaires qui ont ruiné la cause de la Grèce ; ils n’y ont apporté que le trouble et le pillage, ils ont englouti toutes ses ressources et l’ont déchirée par leur anarchie sanglante. C’est pour la Roumélie que la Morée a prodigué ses trésors ; elle a fait, à toutes les époques, les plus grands efforts pour voler au secours de sa sœur menacée, et quand le moment du danger est venu pour elle, elle en a été lâchement abandonnée ; elle n’a trouvé que des ennemis chez ceux qu’elle avait traités en frères.

J’ai longuement rapporté ces reproches réciproques pour donner une idée de l’animosité qui règne