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HISTOIRE MODERNE.

pays, voyageait, il y a quelques années, avec une faible escorte de Cipayes, dans les contrées que vous allez parcourir. Il eut besoin d’un guide et se disposa à le demander dans le premier village qu’il traversa. Mais les habitans, qui plus d’une fois avaient été contraints par des officiers européens à porter des fardeaux et à subir d’autres corvées du même genre, s’apercevant cette fois que la garde n’était pas suffisante pour les faire marcher, fermèrent leur porte et se disposèrent à la résistance. On ne put rien obtenir, ni par les prières ni par les menaces des Cipayes. Enfin un de ceux-ci pénétra dans le village, saisit un vieillard et le traîna avec violence à son officier. C’était malheureusement un chef aussi vénéré pour ses fonctions que pour son âge. En un instant la population accourut en foule, armée de bâtons et de pieux, demandant à grands cris qu’on lui remit son chef ; quelques pierres atteignirent même la garde, et un jeune homme s’avançant le premier s’efforça d’arracher le vieillard aux soldats qui cherchaient à le retenir. L’officier crut que cette espèce d’insurrection l’autorisait à se défendre ; il ordonna de faire feu, et quelques habitans périrent dans cette échauffourrée. De ce nombre fut le jeune homme, fils du vieillard qu’il venait secourir et qui le vit tomber à ses pieds. L’officier maudit, comme vous pouvez croire, sa funeste précipitation et surtout son ignorance des usages du pays. Il est certain que l’offre qu’il eût pu faire d’une légère récompense lui aurait aisément procuré un guide parmi cette classe