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FRAGMENS LITTÉRAIRES.

jamais le nom de la maison de Mortemer, dont les branches se répandront partout, et seront partout en honneur si elles suivent les lois de Dieu.

» — Sainte dame, lui dit Jéhan, le cœur me manque à vous dire que n’ai ne or, ne argent pour aller oultre mer o est li roi Henry nostre sire.

» — Va demain, à minuit, au pied du maître-autel de la chapelle du château, dit la dame de Mortemer, tu soulèveras, sans l’ouvrir, la grosse Bible qui doit rester cent un an sans être lue, et tu trouveras dessous tout ce qu’il te faut pour ton voyage. Le vieux berger se jeta à genoux ; aussitôt un grand fantôme blanc se précipita de la tour, et disparut dans la vapeur qui s’élevait du sol.

» Le lendemain, à minuit, le berger rassembla tout son courage, et après avoir prié dévotement la sainte dame, et avoir recommandé son ame à Dieu, il entra dans le monastère… Le bruit de ses pas retentissait sous ces voûtes sombres, comme le bruit d’un tonnerre lointain. C’étaient les seuls qui depuis cent ans eussent troublé le morne silence de ces lieux… Il tremblait, respirait à peine, mais la foi le soutenait et le préservait ; il ne lui arriva aucun mal, et il devint possesseur d’un grand trésor ; il fut fidèle, et partit outre-mer exécuter les ordres du bon Esprit. Il parla au roi, mais personne ne sut ce qu’il lui dit ; car Jéhan ne reparut

    Voeu, par Mathilde, fille de Henri Ier, roi d’Angleterre et duc de Normandie, femme en premières noces de Henri v, empereur et en secondes de Geoffroy Plantagenet, duc d’Anjou.