Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 4.djvu/355

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
341
LETTRES SUR LA GUADELOUPE.

harmonies des lumières et des ombres, car le soleil dorait encore la cîme des forêts qui bornaient l’horizon. Ces sites sauvages et pittoresques m’attachaient, je laissais errer mes pensées sur ce peuple, ce pays si neuf encore ; je commençais à me persuader que les nègres étaient loin d’être malheureux.

L’accueil plein d’aménité et de franchise du colon détruisait en partie mes injustes préventions, et me rappelait presque ces temps fabuleux de l’âge d’or, ces patriarches vertueux près d’une nombreuse famille, vivant dans leur simplicité première. En effet, un colon isolé avec sa famille, éloigné du faste des villes, occupé sans cesse de culture, de travaux dans sa fabrique et du régime de ses noirs, ayant sous les yeux le spectacle continuel des beautés de la nature, spectacle qui élève l’âme, agrandit les idées, ne peut être foncièrement cruel ni méchant. Il doit sentir le besoin de s’attacher les cœurs, et de fonder son plus grand bonheur sur l’amour de ceux qui l’entourent[1].

  1. Les opinions libérales de notre jeune collaborateur sont trop connues pour qu’on puisse voir dans ces réflexions un plaidoyer en faveur de l’esclavage. Nous ferons observer à cet égard que ces lettres n’étaient pas destinées à être publiées ; qu’elles n’ont pas été écrites dans des vues systématiques, mais, pour ainsi dire, comme une confidence et sous l’impression du moment. Peut-être l’auteur s’est-il trop laissé entraîner à cette chaleureuse imagination qui lui a inspiré Plik et Plok, mais par cela même que c’est là l’opinion d’un homme de talent et de conscience, elle mérite une plus sérieuse attention. On nous