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CORRESPONDANCE ET VARIÉTÉS.

chipel, devenues, vingt mois après, le théâtre d’une sanglante insurrection, dont un avenir peut-être prochain dévoilera les incalculables conséquences pour la civilisation du monde. Troie, Lesbos, Smyrne, Scio, Samos, l’île d’Ariadne et le territoire classique d’Athènes étaient, pour la première fois, visités par un Arménien occupé de tout autre chose que de spéculations mercantiles ou d’exactions de publicain. Déjà à l’âge de treize ans, M. Jacques Douz-Oglou avait été envoyé à Paris en 1806, par ordre de sultan Sélim III, pour y achever son éducation ; et c’est dans l’atmosphère de notre belle France que s’est développé en cette âme généreuse l’amour des arts et des sciences, devenus plus tard sa consolation. Alors c’était aussi à la gloire des lettres que cet autre Anacharsis consacrait les derniers instans d’une prospérité qui touchait à son terme[1].

Prévenu encore à temps des malheurs qui menaçaient la fortune et la vie des siens, il aurait pu se soustraire aux recherches des ennemis de sa famille ; mais il résista stoïquement aux larmes de tous ceux qui l’environnaient. Ils le conjurèrent en vain de chercher en chrétienté un asile contre l’acharnement des persécuteurs de sa maison, dont il connaissait la cruauté, et dont il avait pénétré les desseins bien avant son voyage, qu’il avait entrepris pour s’éloigner des intrigues dont il gémissait de voir ses frères s’inquiéter trop peu. Sa course se trouva donc arrêtée au moment où il se préparait à visiter l’Égypte, la Syrie et les Lieux-Saints, dernier but de ce voyage qui devait être si fructueux. Il renonça à tout pour venir mourir avec ses frères, et il quitta l’île d’Hydra, où il reçut le premier avis de leur arrestation, pour aller au-devant de la corvette de guerre, expédiée de Constantinople, avec ordre de l’amener mort ou vif, et sur-

  1. M. Jacques Douz-Oglou s’était adjoint deux Français, l’un architecte, M. Pévérata, attaché au palais de l’ambassade du roi, et l’autre, M. Gazan, élève de l’École polytechnique, entré depuis au service de l’empereur Alexandre comme officier du génie. Ce dernier vient de quitter la Russie avec le grade de colonel.