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LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE.

jeune Russe, le reçut dans son séminaire, ou il étonna tous les professeurs par la rapidité de ses progrès.

Le gouvernement russe, qui épiait la marche d’un sujet aussi distingué, voulant donner à ce génie naissant tous les développemens dont il était susceptible, l’envoya, après un séjour de deux ans à Saint-Pétersbourg, près de Christianvolf, célèbre mathématicien, puis à Freyberg, où il apprit la métallurgie pratique et l’art des mines. On doit s’étonner qu’un goût aussi passionné pour les sciences exactes n’ait pas desséché son imagination, rien n’étant plus rare que cette alliance des études sérieuses et des grâces poétiques. De retour dans sa patrie en 1741, il fut successivement nommé adjoint de l’académie des sciences, professeur de chimie, et enfin conseiller d’état. C’est alors qu’ayant fait la part de la science, il marcha à grands pas dans la carrière des Muses.

Lomonossof fut l’architecte du nouveau temple des lettres et des arts qui s’est élevé en Europe. La gloire était tout pour lui ; ce fut sa pensée dominante : lorsqu’une maladie douloureuse vint l’avertir de sa fin prochaine, il s’affligeait de l’idée de mourir tout entier ; mais la postérité a désavoué cette rare modestie : la célébrité de ce poète ne saurait être contestée.

C’est du règne d’Élisabeth Ire que date la naissance de l’art dramatique en Russie : jusque-là, les théâtres allemand et italien avaient suffi aux plaisirs de la cour. Les élèves du corps des cadets eurent les premiers l’idée de représenter devant l’impératrice une pièce dans la langue du pays ; et à cette même époque, le fils d’un marchand de Kostroma, nommé Théodore Volkof, forma une troupe de comédie, dont il choisit les acteurs parmi ses jeunes camarades. Le bruit des succès de cette troupe nouvelle parvint jusqu’à la cour, qui voulut juger de ses talens.

C’est aussi dans ce temps que se fit connaître Soumarokof, père de la tragédie russe ; à peine âgé de vingt-trois ans, il publia sa tragédie de Khoref, qui fut représentée en 1750, sur des théâtres de société. La Melpomène russe se fit jour à