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LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE.

À cette époque, l’impératrice Élisabeth fut secondée dans la protection qu’elle accordait aux écrivains par son ministre, le lieutenant-général comte Jean de Schouvalof[1], qui contribua puissamment aux progrès des lumières dans le Nord.

Mais le règne d’Élisabeth était le prélude d’une époque plus brillante : la littérature fleurit avec un nouvel éclat sous l’influence de Catherine ii ; non-seulement elle la soutint par ses encouragemens, mais elle la cultiva elle-même, et chercha dans les délices de l’étude un repos à la grandeur de ses destinées, ou peut-être aussi une distraction aux tortures de sa conscience. Dans les premières années de son règne, sentant qu’il était d’un grand intérêt pour son pays d’y naturaliser tous les auteurs célèbres, tant anciens que modernes, elle protégea spécialement les traducteurs des bons ouvrages, qu’elle faisait souvent imprimer aux frais de la couronne ; opération louable sans doute, mais qui dut naturellement nuire aux élans de la poésie nationale. Sans elle, les Russes auraient peut-être leur Ossian, tandis que, pendant plus d’un demi-siècle, ils ont servilement enté leurs conceptions sur celles des Grecs, des Latins et des Français.

C’est ainsi que Kniajnine suivait les traces du père de la tragédie. Son talent se décela dans sa pièce de Didon, qui attira l’attention de l’impératrice ; il se manifesta ensuite avec plus d’énergie dans sa tragédie de Rosslaf, sujet national, dont le célèbre acteur Dmitrefsky créa le principal rôle. Kniajnine s’essaya également avec succès dans la comédie ; sa pièce intitulée Khvastoune, le fanfaron, imitation libre du Glorieux de Destouches, et son opéra du Zbitientschik, ou le marchand de coco, se voient encore avec plaisir.

La comédie faisait aussi quelques progrès sous le pinceau

  1. Ce ministre était oncle du comte Schouvalof, célèbre par les grâces de son esprit, et que Voltaire appelait l’aimable Russe. Sa charmante épître à Ninon se trouve dans l’Encyclopédie poétique.