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LE BRÉSIL.

mille plantes aux longues épines, aux dards nombreux et pénétrans, entouré d’animaux féroces, qu’attire une proie facile, le Sertanejo, qu’on peut comparer au Péon des Pampas, mais qui mène une vie bien plus laborieuse, est vêtu complétement d’une espèce d’armure de cuir, qui se fait avec la peau du cerf (veado), et qui lui donne l’aspect le plus singulier aux yeux d’un Européen. Comme dans les campagnes de Buénos-Ayres le cultivateur le plus pauvre monte à cheval pour faire la moindre course, et ne sort jamais dans le Sertào sans avoir un fusil. Là, plus d’un chasseur solitaire rappelle le bas de cuir de Cooper, et s’éloignant de la société qu’il ne peut plus comprendre, vit dans les plaines et se nourrit uniquement de gibier. Mais ces intrépides habitans du désert, s’ils n’ont point à redouter les buffles sauvages, sont exposés à la rencontre d’ennemis plus féroces et surtout plus agiles. On compte dans le Sertâo seulement quatre espèce d’onças, parmi lesquelles se trouve le jaguar ou tigre à peau mouchetée. Quatre espèces de chats sauvages (gatos do mato); et le guara que l’on compare au loup d’Europe, sont, avec les animaux dont nous venons de parler, les ennemis les plus redoutables du chasseur, et l’on raconte dans le Sertào de merveilleux récits du sang-froid avec lequel les hommes de ce pays attaquent ces hôtes terribles du désert.

Malgré le nom qu’on lui a donné, le Sertào n’est pas complètement dépourvu de bourgades ; mais souvent, dans cette réunion de pauvres habitations, le voyageur ne trouve pas même les choses les plus nécessaires à la vie, quoique partout la plus touchante hospitalité s’empresse de l’accueillir : partout aussi l’ignorance la plus complète forme un contraste douloureux avec les