Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 2.djvu/236

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
226
HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

méconnue, rigide à regret, explique avec une sorte d’hésitation le mal dont il se plaint, et qui, dans ce moment, est le mal de la cité romaine tout entière. Il parle en ces termes : « Je dois commencer par dire que cette jeune fille est irréprochable. C’est une douce et pacifique créature, qui répand le calme autour d’elle, qui est le charme du foyer domestique. Elle a cru que reconnaissant pour père un centurion de l’armée, elle pouvait s’avancer dans la hiérarchie de l’intelligence, à l’égal du grade obtenu par son père, soldat si vaillant. Le mal donc est d’avoir souffert une école plébéienne au milieu de nous. »

« Le mal sera arrêté à sa source, dit le décemvir, que chaque patron fasse rentrer ses cliens sous le joug de l’antique discipline ! »

Le maître reprend son accusation : « Je ne me suis pas opposé jusqu’à présent à ce que cette jeune fille allât avec décence dans les écoles, qui auraient dû ne pas exister ; mais où d’ailleurs, je m’en suis assuré, nulle maxime irrévérentieuse n’a été dite. J’avouerai même que les progrès de la fille de mon client flattaient ma vanité de patron, et que j’aimais à la considérer comme une parure de mon foyer domestique. Mais, puisque nous vivons dans un temps où tous les droits sont menacés, je ne veux pas laisser périr celui qui repose sur ma tête. Je suis ex-lex-optimus, c’est-à-dire au-dessus de toute loi dans l’intérieur de ma famille. Je suis roi, par cette faculté éminente de dire toute la loi à mes cliens. Celle-ci, née dans l’enceinte du contubernium, ne doit recevoir d’instruction que dans la maison de son roi. Au reste, j’autorise le magistrat à interroger la jeune fille sur ce qui lui était enseigné. »