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LITTÉRATURE.

IV.
LES NÉOPHYTES.
Les uns s’en moquèrent ; les autres dirent : Nous vous entendrons une autre fois sur ce point.
Actes des Apôtres.


Le père Servus Dei se sentit plus à l’aise dès que son compagnon l’eut quitté. Il respirait toujours plus librement en son absence. N’ayant plus à rougir devant un Européen (témoin trop éclairé) des petites concessions qu’il faisait à l’Orient et à ses usages, il s’accroupit, les jambes croisées devant ses hôtes Bédouins et devant l’Indou. La famille entière du cheik Yâqoub forma un cercle autour de lui, à l’ombre des murailles immenses du grand temple, que le père nommait son église. Il s’était tellement fait aux coutumes du pays, que sa physionomie avait pris l’expression, et son corps les attitudes d’un Arabe du désert. Chacun des Bédouins roulait dans ses doigts, en parlant, les grains d’un chapelet ; le missionnaire roulait aussi le sien qui n’avait d’autre distinction qu’une petite croix de cuivre suspendue au milieu. Espérant toujours les amener par degrés à sa fervente croyance, il faisait ainsi de continuelles avances et ne doutait pas de ses progrès dans leur âme, comme nous l’avons déjà vu. En ce moment, il avait quelque inquiétude, et tournait souvent la tête du côté du pylône, à travers lequel on voyait, comme dans un cadre rouge, Thèbes entière, et le cours du Nil, jusqu’à l’horizon du nord. Cependant cette préoccupation cessa dès qu’on se fut mis à boire le café, servi par les femmes à demi nues et à demi voilées, et s’effaça presque totalement dès qu’il eut