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ESQUISSES MORALES.

et de cette tête de vierge ? — Ma foi !… — Et vous, croyez-vous que M. Fabrick ait autant de talent que M. Michel-Ange ? — Eh, eh ! — Pour moi, parmi tant de chefs-d’œuvre de natures si diverses, je craignais toujours qu’il ne prît fantaisie à quelque industriel de mettre une camisole de flanelle à la Diane, ou des bas de coton à l’Antinoüs.

Les théâtres de Paris se perdent, et perdent l’art en sortant tous de leur spécialité. L’Opéra-Comique avec ses décorations, la Comédie-Française avec ses mélodrames, sont des grands seigneurs ruinés dans des opérations commerciales ; et cette rage de mise en scène, qui a passé du mimodrame de Franconi jusqu’au Vaudeville !… Les entrepreneurs se trompent étrangement : ils croient que tout le monde veut la même chose ; cela n’est pas. Il y a un public pour chaque genre, plus ou moins nombreux, il est vrai, en raison inverse de la hauteur et de la beauté du genre ; mais enfin c’est le public spécial qui doit alimenter journellement chaque théâtre. Les faits répondent d’avance à toutes les objections : quels sont les théâtres qui prospèrent le plus depuis plusieurs années ? ce sont les Italiens et le Gymnase, deux spécialités bien distinctes : les Italiens, où l’on ne va chercher que le seul enchantement de la musique, et de la musique étrangère, sans l’auxiliaire des ballets ; le Gymnase, petite représentation de notre petite société, avec sa gaieté prétentieuse et ses passions bourgeoises, mais qui se contente de nous donner toutes ces petites choses assaisonnées de beaucoup de grâce, d’esprit et de fraîcheur ; et qui, pour attirer un public nombreux et choisi, comme on dit, n’appelle jamais une décoration au secours d’une situation intéressante, ni de beaux costumes pour escorter des bons mots. Je sais qu’il existe à Paris un certain nombre d’amateurs qui vont à un grand opéra pour les vers, à une tragédie pour une toile de fonds, au Vaudeville pour la musique, aux Variétés pour une pièce sentimentale, aux chevaux de Franconi pour les couplets, et ainsi de suite ; c’est évidemment la dernière classe d’amateurs, et j’espère encore que ce n’est pas