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LITTÉRATURE.

donnerais tous les discours prononcés à la tribune depuis quarante ans pour une truite, pour un conte de Perrault ou une croquade de Charlet…

— Vous avez bien raison… — Passez-moi les asperges… — Car, après tout, la liberté enfante l’anarchie, l’anarchie conduit au despotisme, et le despotisme ramène à la liberté. Des millions d’êtres ont péri sans avoir pu faire triompher l’une ou l’autre ! N’est-ce pas le cercle vicieux dans lequel tournera toujours le monde moral ? Quand l’homme croit avoir perfectionné, il n’a fait que déplacer les choses !

— Oh ! oh !… s’écria un vaudevilliste, alors, Messieurs, je porte un toast à — Charles x, père de la liberté !…

— Pourquoi pas ?… dit un journaliste. Quand le despotisme est dans les lois, la liberté se trouve dans les mœurs, et vice versâ… Buvons donc à l’imbécillité du pouvoir qui nous donne tant de pouvoir sur les imbéciles !…

— Hé ! mon cher, au moins Napoléon nous a-t-il laissé de la gloire ! criait un officier de marine qui n’était pas sorti de Brest.

— Ah ! la gloire !… Triste denrée !… Elle se paie cher et ne se garde pas !… Ne serait-elle point l’égoïsme des grands hommes, comme le bonheur est celui des sots ?…

— Monsieur, vous êtes bien heureux !…

— Le premier qui inventa les fossés était sans doute un homme faible, car la société ne profite qu’aux gens chétifs… Placés aux deux extrémités du monde moral, le sauvage et le penseur ont également horreur de la propriété.

— Joli !… s’écria le notaire, s’il n’y avait pas de propriétés, comment pourrions-nous faire des actes ?…

— Voilà des petits pois délicieusement fantastiques !…

— … Et le curé fut trouvé mort dans son lit, le lendemain.

— Qui parle de mort ?… Ne badinez pas ! J’ai un oncle…

— Vous vous résigneriez sans doute à le perdre…

— Ce n’est pas une question…

— Écoutez-moi !… Messieurs ! Manière de tuer son oncle :