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SOUVENIRS DE GRÈCE.

d’environ douze pieds, et qui présentait une pente assez douce : la pierre, dans toute sa longueur, avait acquis un poli parfait ; et ceux qui m’entouraient m’assurèrent qu’autrefois cette sorte de montagne russe était très-fréquentée par les Turques et les Grecques, qui lui attribuaient une vertu particulière. Mon Athénien continuant son office de cicérone, « le chemin que nous suivons, ajouta-t-il, fut naguère arrosé de sang. Les Turcs n’ont pas toujours été, comme vous les voyez aujourd’hui, paisibles possesseurs de ces remparts ; nos troupes occupaient le Pnyx ; les Albanais firent une sortie de l’Acropole, ils furent repoussés, mais un massacre horrible ensanglanta ces rochers. » Je lui témoignai le désir d’apprendre quelques détails sur le sort d’Athènes pendant la guerre de l’indépendance, et il reprit en ces termes.

« À peine nos compatriotes furent-ils informés que l’étendard aux deux couleurs brillait triomphant sur les murs de Salone, qu’ils résolurent de suivre le généreux exemple qui leur était donné. Vous apercevez au nord-est cette longue chaîne de montagnes, dont l’une des collines conserve encore les ruines de Philé ; là Trasybule avec ses conjurés arrêta la mort des trente tyrans, là aussi nos conjurés de Khissa résolurent la perte de leurs oppresseurs. Ils s’assemblèrent à Menidi[1] (3 mai 1821), marchèrent sur Athènes, qu’ils emportèrent d’assaut, par la porte de Thèbes, aux cris de Χρίστος ανεστης, ελευθερια (Christos anestês, eleutheria)[2]. Les Turcs se réfugièrent dans l’Acropole, et, peu de temps après, firent la sortie dont je vous parlais à l’instant. Bientôt des renforts nous arri-

  1. L’ancien Acharnes, à trois lieues N.-E. d’Athènes.
  2. Dieu est ressucité ! Liberté !