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VOYAGES.

récoltés ; les Indiens eux-mêmes succombaient sous le poids. Ne pouvant plus me charger d’autres objets d’histoire naturelle, je résolus de regagner le village du curé Mariano. La seule nourriture que j’avais pu me procurer pendant la semaine que je venais de passer dans les montagnes, était du riz sec cuit à l’eau, ou seulement rôti dans un bambou creux[1]. On doit juger de l’insuffisance d’une pareille nourriture pour un Européen qui n’y était point accoutumé, et surtout pour un voyageur sans cesse sur pied.

J’arrivai le soir chez le signor padre, qui n’eut rien de plus pressé que de me faire préparer à souper. Ce repas, quoiqu’assez frugal, me parut délicieux. Le curé, qui voulut bien me tenir compagnie, dut être satisfait de la manière dont je me comportais à sa table.

Mon intention étant de me mettre en route dès la pointe du jour pour atteindre le soir même Téralta, je donnai mes ordres en conséquence aux gens qui formaient ma suite. Malheureusement, comme ils étaient encore plus harassés de fatigue que moi, ils ne se levèrent pas assez tôt pour faire les dispositions du départ. Les chevaux n’étaient point encore harnachés, lorsque le curé, qui disait sa messe ce jour-là (c’était un dimanche), appela les fidèles à l’église. Je n’osai résister à l’invitation qu’il me fit d’y assister ; c’eût été payer d’ingratitude tous les services qu’il m’avait rendus, que de refuser de prendre ma part des bénédictions qu’il appelait sur

  1. Les bergers et les voyageurs malais ne se servent jamais d’autre marmite pour cuire le riz. À cet effet, ils fendent en deux un morceau de bambou rond, de deux pieds de long environ, enveloppent dans une large feuille de bananier, ou autre, le riz humecté, qu’ils introduisent dans le bambou, dont ils rejoignent les deux parties. En tournant cette espèce de cylindre pendant un certain temps sur un bon feu, le riz cuit très-bien et acquiert un goût délicieux.