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LA NOUVELLE-ÉCOSSE.

passaient, faisaient leurs tristes adieux à leurs maris, à leurs fils, leur tendant une main tremblante, qu’ils parvenaient quelquefois à réunir, mais que le soldat brutal venait bientôt séparer.

Les jeunes gens furent suivis par les hommes plus âgés, qui traversèrent aussi à pas lents cette scène déchirante. Toute la population mâle de Minas fut jetée à bord de cinq vaisseaux de transport stationnés dans la rivière de Gaspareaux. Chaque bâtiment était sous la garde de six officiers et quatre-vingts soldats. À mesure que d’autres navires arrivèrent, les femmes et les enfans y furent embarqués, et éloignés ainsi en masse des champs de la Nouvelle-Écosse. Le sort aussi déplorable qu’inouï de ces exilés excita la compassion de la soldatesque même. Celle-ci se trouva à son tour dans une position singulière, au milieu d’une belle et fertile contrée, alors ruinée, et sans ennemi à combattre ni habitans à protéger. Les colonnes de fumée qui s’élevaient de toutes parts des débris brûlans de tant d’habitations rurales, prouvaient jusqu’à quel point l’œuvre de destruction avait été poussé. Pendant plusieurs soirées consécutives, les bestiaux se réunirent autour des ruines fumantes, et semblaient y attendre le retour de leurs maîtres, tandis que les fidèles chiens de garde hurlaient près des foyers déserts.

À Annapolis (anciennement Port-Royal), et à Cumberland, les Français ne se rendirent pas à la proclamation, craignant d’être emprisonnés et envoyés à Halifax. Lorsque les transports chargés de les emmener arrivèrent à Annapolis, les soldats trouvèrent les maisons abandonnées. Les habitans avaient fui dans les bois avec leurs femmes et leurs enfans ; mais la fatigue, la faim, la misère, forcèrent bientôt une grande partie