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VOYAGES.

plus élevées, le lieu plus auguste. À chacune des stations où s’arrête la procession, il est prononcé une sorte d’allocution en différentes langues ; la dernière est en arabe, et excite particulièrement l’attention de cette foule d’hommes accourus de tous les environs, et qu’on est étonné de voir dans leur costume oriental prosternés au pied de la croix. Ces cérémonies se prolongent fort avant dans la nuit : sitôt qu’elles sont terminées, les Grecs et les Arméniens viennent à leur tour occuper l’église, et se préparer à la cérémonie du feu sacré, sorte de scandale, ou au moins de rite bizarre, décrit par les plus anciens voyageurs, et pratiqué encore aujourd’hui tel qu’il avait lieu il y a neuf cents ans.

Dès la pointe du jour, une troupe de gens de la campagne, felhas, presque nus, commencent à courir autour du saint Sépulcre en criant : Eleyson. Ils dansent, chantent et montent les uns sur les autres ; un prêtre est à leur tête : il suit et marque de la main la mesure ; plusieurs font semblant d’être morts, et sont portés sur les épaules de leurs camarades ; d’autres saisissent des spectateurs, et les font tourner avec eux, ou les portent dans leurs bras jusqu’à ce qu’ils aient obtenu d’eux un salaire. Les Turcs, pendant cette cérémonie, frappent indistinctement à coups de fouet sur toute cette troupe, ou l’insultent du haut des galeries supérieures. Après trois heures d’un bruit continuel et de la répétition des mêmes scènes, l’archevêque grec entre avec l’évêque arménien dans le saint Sépulcre ; c’est alors que les cris et le bruit redoublent, et que les plus vigoureux des felhas s’emparent des ouvertures placées aux deux côtés du tombeau, pour vendre leur place à de riches Grecs ou Arméniens qui, croyant que ce feu descend du ciel, pensent qu’il a d’autant plus d’effi-