Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 2.djvu/446

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
436
HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

veau ; puis, faisant rentrer d’année en année dans son sein cette terre qui en était sortie, il l’imprégnait d’une nouvelle fécondité, et se plaisait à l’offrir encore à l’homme, récréée, pour ainsi dire, et prête à se couvrir de riches, d’innombrables moissons.

Que ce fleuve eût été tari dans sa source, et bientôt la population de la magnifique Égypte, après s’être un moment débattue dans les angoisses de la faim, disparaissait sous les flots de la mer ou les sables du désert.

L’Égyptien avait façonné de mille manières ce sol, miraculeusement préparé ; il l’avait coupé en tous sens de canaux, de chaussées, de routes, couvert de villes populeuses, embelli d’obélisques et de palais ; il y avait élevé une multitude de temples. Et au milieu de toutes ces pompes de la civilisation se montraient sombres et silencieuses les célèbres pyramides. On ignorait le monarque, imité depuis par deux autres, qui avait élevé la plus ancienne. Quel qu’il fût, il avait été sans doute grand et puissant ; sans doute aussi, de même que le reste des hommes, il avait passé bien promptement de l’enfance à la décrépitude : sa vie, à peine agitée par quelques joies incomplètes, par quelques désirs demeurés inaccomplis, vague fugitive dans l’océan des âges, s’était brisée sans laisser de traces. Mais il avait mis un orgueil bizarre à s’éterniser dans la mort ; il s’était construit un tombeau qui devait apparaître immuable, éternel, au milieu de vingt empires tour à tour élevés et renversés ; il avait épuisé toute sa puissance à porter un témoignage plus durable et plus éclatant de son propre néant.

Ce peuple de l’Égypte, qui avait le sceptre de la civilisation, ce peuple-roi pouvait donc lire sans cesse.