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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

courant un orbite immense dont un seul point touche à la terre ; ils disaient que l’instant où elle franchit ce point, tout borné, tout limité qu’il est, contient peut-être deux éternités pouvant être ou l’expiation du passé ou la conquête de l’avenir.

D’autres fois, récitant d’antiques poèmes, où s’était exprimé la sagesse des premiers âges, ils racontaient l’histoire merveilleuse du phénix renaissant de ses cendres, symbole de l’immortalité de l’âme ; ou bien l’histoire de Job, où ce dogme consolateur apparaissait de nouveau, comme le mot de l’horrible énigme des malheurs du juste et de la prospérité du méchant dans ce monde ; ou bien encore le mythe de Prométhée, titan superbe, qui jadis avait dérobé au char du Soleil un feu créateur, et l’avait versé dans le sein de l’homme. Ils ajoutaient qu’une divinité jalouse ou irritée, ayant saisi Prométhée, l’avait cloué au sommet du Caucase ; mais Prométhée, les yeux fixés sur un mystérieux avenir, défiait les supplices, ne cessait de parler de triomphe, et les néophytes devaient reconnaître dans sa destinée celle de l’humanité, qui, à travers de douloureuses et passagères épreuves, marche aussi à la conquête d’une palme immortelle.

La poésie aurait donc conservé dans les temples les vérités premières, jadis révélées à l’homme ; grâce à elle, les grands hommes, les héros, les bienfaiteurs de l’humanité, recevant une vie immortelle en échange de leur vie périssable, auraient continué à marcher pendant les siècles à la tête de l’humanité, pour la diriger dans son évolution sociale.

Les épreuves subies, les initiés, dans les poétiques imaginations de M. Ballanche, se trouvaient revêtus à l’égard du genre humain d’une sorte de sacerdoce :