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LA NIÈCE DU GOUVERNEUR.

douce vie, venait une mort encore plus douce ; si, comme à la fin de ce bal tumultueux, il tombait de mon front une fleur, et puis une autre ; et si enfin nous nous endormions toujours l’un près de l’autre, y aurait-il écrit là haut un destin plus fortuné ?…

D. Louis, se levant impétueusement et la saisissant avec ardeur.

Non, cet avenir sera le mien ; je le veux, je le veux… Que m’importent l’honneur et tous ses faux sermens ?… Je ne sens que l’amour, plus fort que tout, au fond de mon cœur… Il ne fallait pas que Dieu me donnât de telles passions, s’il voulait que je les surmontasse ; il ne devait pas allumer ce feu, s’il ne voulait pas qu’il me brûlât. Aucune puissance humaine, aucune loi, aucun devoir ne pourrait t’arracher de mes bras ; l’air que je respire est dans ton haleine ! partout ailleurs j’étouffe et je ne peux plus vivre.

(Il presse avec rage Isabelle sur son cœur, ses lèvres sur les siennes ; il reste un instant comme anéanti ; tout à coup une cloche se fait entendre.)
Dona Isabelle.

C’est l’heure où les accusés sont appelés à l’audience…Louis, que vas-tu dire ?…

D. Louis.

Peux-tu en douter ?… Je dirai que je suis un monstre, un misérable, et que tu es un ange.

Dona Isabelle.

Allons, je réponds de tout ; nous pouvons être heureux, don Louis. Je te quitte, mais ce n’est pas un adieu…

(D. Louis couvre sa main de baisers ; elle sort précipitamment par la petite porte qui lui a livré passage.)
D. Louis.

Oui, je dois réparer mon crime, lui rendre ce que je lui ai ravi si injustement : voilà ce que commande, avant tout, l’honneur.

(Une porte de la prison s’ouvre ; Casterey et les autres accusés sortent enchaînés au milieu entre deux rangs de gardes.)