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LA NIÈCE DU GOUVERNEUR.

complot contre la vie du gouverneur de Murcie, et contre la sûreté de la province ?

D. Louis.

Oui, seigneur président.

(Dona Isabelle s’agite dans sa tribune.)
Le président.

Vous reconnaissez-vous coupable de calomnie envers la nièce du gouverneur, dona Isabelle d’Ayamonte ?

Casterey.

Va-t-il faiblir ?…

Dona Isabelle.

Oh ! mon dieu ! que va-t-il dire ? mon âme est suspendue à ses lèvres.

(Don Louis reste quelques instans à réfléchir ; silence général mêlé d’agitation ; tout à coup don Louis s’approche du public. Le souffleur à plusieurs reprises lui crie : Ah ! l’amour l’emporte !)
D. Louis.

Messieurs, c’est une position vraiment très-embarrassante que la mienne, et je ne sais où diable les auteurs ont trouvé une situation pareille. Je ne sais comment m’en tirer à leur honneur et au mien : si je disculpe dona Isabelle et que je m’avoue calomniateur, vous sifflerez, non sans quelque raison, parce que je manque à mon serment, et que je consentirai à passer pour un lâche ; si je fais le contraire, vous sifflerez encore mieux, et avec bien plus de raison, parce que je manquerai à un autre serment, que je refuserai de rendre l’honneur à une femme estimable, à qui je l’ai ravi, et parce que mon sacrifice vous paraîtra au-dessus des forces humaines ; donc, je prendrai sur moi de vous laisser finir la pièce comme vous l’entendrez, et de ne point dire un dénouement qui ne pourrait être que faux ou cherché. M. le machiniste, voulez-vous baisser la toile ?

(La toile baisse au milieu de cris, de sifflets et de huées épouvantables. Les claqueurs demandent l’auteur ; la toile se lève ; Osorio vient pour le nommer ; on lui jette des pommes cuites ; la toile baisse de nouveau.)