Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 2.djvu/540

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
530
LITTÉRATURE.

tropique, il avait soupçonné devoir être si doux ; cet amour, dont il n’avait guère eu en Italie que les délices sensuelles, et dont son âme, qui avait tout anticipé, regrettait amèrement la puissance tarie et les jeunes trésors. Il écrivait dans une note :

« Je rends grâces à Dieu,

» De ce qu’il m’a fait homme et non point femme ;

» De ce qu’il m’a fait Français ;

» De ce qu’il m’a fait plutôt spirituel et spiritualiste que le contraire, plutôt bon que méchant, plutôt fort que faible de caractère.

» Je me plains du sort,

» Qui ne m’a donné ni génie, ni richesse, ni naissance.

» Je me plains de moi-même,

» Qui ai dissipé mon temps, affaibli mes forces, rejeté ma pudeur naturelle, tué en moi la foi et l’amour. »


Non, Farcy, ton regret même l’atteste ; non, tu n’avais pas rejeté ta pudeur naturelle ; non, tu n’avais pas tué l’amour dans ton âme ! Mais chez toi, la pudeur de l’adolescence qui avait trop aisément cédé par le côté sensuel, s’était comme infiltrée et développée outre mesure dans l’esprit, et, au lieu de la mâle assurance virile qui charme et qui subjugue, au lieu de ces rapides étincelles du regard,

Qui d’un désir craintif font rougir la beauté,[1]

elle s’était changée, avec l’âge, en défiance de toi-même, en répugnance à oser, en promptitude à se décourager et à se troubler devant la beauté superbe. Non, tu n’avais pas tué l’amour dans ton cœur ; tu en étais plutôt resté au premier, au timide et novice amour ; mais sans la fraîcheur naïve, sans l’ignorance adorable, sans les torrens, sans le mystère ; avec la disproportion de tes autres facultés qui avaient mûri ou

  1. Lamartine.